Préposés à risque

Les préposés aux bénéficiaires sont les travailleurs de la santé qui ont été les plus nombreux à contracter la COVID-19, révèlent des données obtenues par La Presse. Les équipements inadéquats au début de la crise et les mouvements entre différents établissements sont à blâmer, selon un syndicat. On a par ailleurs appris mercredi que la coroner en chef du Québec avait déclenché une enquête publique sur l'hécatombe survenue dans les CHSLD de la province.

Les préposés aux bénéficiaires plus touchés par le virus que les autres travailleurs

La majorité des établissements de santé de Montréal et de Laval refusent toutefois de fournir des données à ce sujet

Les préposés aux bénéficiaires sont les travailleurs de la santé les plus largement représentés parmi ceux qui ont été infectés par la COVID-19 depuis le début de la pandémie dans trois secteurs de Montréal et à Laval. Impossible toutefois d’obtenir un décompte précis pour l’ensemble du Québec, puisque des établissements de santé refusent de diffuser des données « pour des raisons de confidentialité » et que le ministère de la Santé et des Services sociaux affirme ne pas avoir cette information.

« Ne pas diffuser ces données est inacceptable. Si on n’a pas une analyse fine de qui a été infecté et où, comment on va faire pour que ça aille mieux la prochaine fois ? », critique le président de la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN), Jeff Begley.

En date du 15 juin, 5233 travailleurs du réseau de la santé étaient absents après avoir été contaminés par la COVID-19. À ce jour, neuf travailleurs sont morts des suites de la maladie, selon le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS).

Mais qui sont les plus touchés ? La Presse a demandé à 11 CISSS et CIUSSS du Grand Montréal le nombre de travailleurs de la santé infectés par la COVID-19 depuis le début de la pandémie, ventilé par types d’emplois. Quatre ont accepté de fournir les données.

Sur le territoire du CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal, 600 des 1745 employés infectés par la COVID-19 sont des préposés aux bénéficiaires, 282 sont des infirmières, 239 des infirmières auxiliaires et 69 des préposés à l’entretien ménager. Les autres cas sont répartis dans différents types d’emplois.

Au CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, 662 des 1667 travailleurs qui ont été infectés sont des préposés aux bénéficiaires, des préposés aux ascenseurs ou des conducteurs de véhicule. On compte aussi 307 infirmières, 232 infirmières auxiliaires, 191 professionnels de la santé (ergothérapeutes, physiothérapeutes…), 39 médecins et résidents, 129 préposés à l’entretien ménager et aux services alimentaires et 66 membres du personnel administratif.

Au CIUSSS du Centre-Ouest-de-l’Île-de-Montréal, 239 des 482 travailleurs infectés proviennent de la catégorie « personnel paratechnique, services auxiliaires et métiers » dont font partie les préposés aux bénéficiaires.

À Laval, 310 des 677 travailleurs contaminés font aussi partie de cette catégorie.

L’importance des données

M. Begley affirme « ne pas être étonné du tout » de voir que les préposés aux bénéficiaires sont les travailleurs de la santé les plus touchés. « On l’a vu venir, même si c’est quasiment impossible d’avoir des données exhaustives », dit-il.

Certes, les préposés aux bénéficiaires sont nombreux dans le réseau : il est donc normal qu’ils soient également nombreux à être infectés. Mais M. Begley souligne que ces travailleurs ont manqué de matériel de protection au début de la crise et qu’ils ont été appelés à travailler dans plusieurs établissements différents, ce qui a augmenté les risques de contamination.

Selon M. Begley, il faut non seulement savoir combien de travailleurs ont été infectés par types d’emplois partout au Québec, mais aussi dans quels établissements. « Si on veut faire de la prévention, il faut savoir qui a été touché ! », s'exclame celui qui estime que l’argument de la confidentialité des dossiers n'a « ni queue ni tête ».

« On ne veut pas le nom des gens. On veut savoir combien de cuisiniers, de préposés aux bénéficiaires, de préposés à l’entretien ménager ou autres ont été infectés, et à quel endroit, pour mieux se préparer pour la prochaine vague. Là, on va aller à l’aveuglette pour la deuxième fois. »

— Jeff Begley, président de la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN)

Consultant en santé et sécurité du travail, Steeve Tremblay n’est pas non plus surpris que les préposés aux bénéficiaires soient parmi les plus touchés, ne serait-ce que par la nature de leur métier, qui les amène à travailler près des patients. M. Tremblay rappelle aussi qu’« au début de la pandémie, on a vidé les hôpitaux pour envoyer des patients en CHSLD », des lieux où travaillent de nombreux préposés. « Mais les ressources, tant matérielles qu'humaines, n’ont pas suivi », dit-il.

Selon M. Tremblay, davantage de formation en prévention des infections aurait dû être réalisée. En prévision de la deuxième vague, qu’il attend pour juillet, M. Tremblay croit que la prévention doit se faire « dès maintenant ». « Et l’équipement doit être là. Il faut prévoir pour éviter l’improvisation », dit-il.

Peu de données sur les agences

La quasi-totalité des établissements de santé ne dispose également pas de données sur les employés travaillant pour des agences privées de placement de personnel et ayant été infectés.

Mercredi, Radio-Canada révélait que Québec s’apprêtait à mieux encadrer cette industrie en prévision de la deuxième vague. Une situation qui satisfait l’Association des entreprises privées de personnel soignant du Québec (EPPSQ), qui représente les 16 plus grosses agences de placement de personnel de la province.

La porte-parole Hélène Gravel indique que son association a elle-même demandé à Québec d’intervenir dans ce dossier. Car pour elle, les agences de placement de personnel sont actuellement « injustement prises pour boucs émissaires ». Mme Gravel affirme que les membres de l’EPPSQ sont sérieux et liés par contrat au gouvernement. « On ne peut pas envoyer des gens sans expérience sur le terrain. Quand on entend parler d’agences qui envoient des employés non formés, qui ne parlent pas français… on ne se reconnaît pas là-dedans », dit-elle.

Également présidente de l’Agence continuum, Mme Gravel affirme qu’aucun de ses 600 employés n’a été infecté jusqu’à maintenant. « Dès le début, on n’a pas accepté les mouvements de personnel », dit-elle.

Pour Mme Gravel, le tour de vis que compte faire Québec dans l’industrie est le bienvenu. Car les « agences éphémères » qui envoient des personnes non formées travailler dans les hôpitaux « entachent la réputation » des agences sérieuses. « On veut que le réseau cesse de faire du gré à gré avec des agences sorties de nulle part qui ne respectent pas les mêmes règles que nous », conclut-elle.

Hécatombe dans les CHSLD

La coroner en chef déclenche une enquête publique

Québec — La coroner en chef du Québec déclenche une « vaste enquête publique sur certains décès survenus au cours de la pandémie de COVID-19 dans les CHSLD » et les autres milieux d’hébergement pour aînés. Un rapport établissant des recommandations pour « éviter un même drame » à l’avenir est attendu pour 2021, mais déjà, des proches de défunts et des employés qui ont vécu la crise de l'intérieur saluent cette annonce.

En entrevue avec La Presse, la coroner en chef, MPascale Descary, a affirmé que cette enquête était « pertinente et essentielle » et représentait « la contribution du Bureau du coroner pour apaiser les familles [endeuillées] et leur permettre de comprendre ce qui s’est passé et éviter que ça se reproduise ».

« On ne ramènera jamais ces défunts, mais si notre enquête peut éviter le même drame [dans l’avenir], ça sera notre contribution », a déclaré MDescary. Sur les 5293 morts causées par le coronavirus au Québec en date du 16 juin, 3642 cas venaient de CHSLD, 932 de résidences pour aînés (RPA) et 234 de ressources intermédiaires (RI).

La coroner et avocate Géhane Kamel présidera l’enquête publique du Bureau du coroner. Elle sera pour l’occasion accompagnée du DJacques Ramsay, un coroner ayant une formation médicale, ainsi que de procureurs et de personnel administratif.

La coroner en chef du Québec prévient toutefois que l’enquête ne couvrira pas tous ceux qui ont succombé à la COVID-19 dans des milieux de vie pour aînés, mais ceux dont la mort est survenue entre le 12 mars et le 1er mai dans un CHSLD, une résidence privée pour aînés ou un autre milieu de vie pour personnes vulnérables ou en perte d’autonomie, et ce, dans un contexte violent, obscur ou qui serait lié à de la négligence.

« J’ai jugé important d’utiliser l’outil d’une enquête publique pour éclairer la population. »

— Me Pascale Descary, coroner en chef du Québec

« Il y a une nécessité d’entendre des témoins et de placer le débat dans une perspective publique. C’est une problématique de société suffisamment importante pour élargir le débat au-delà d’un seul décès et pour embrasser plus largement la réflexion et les pistes de solution », a dit MDescary.

En avril dernier, le Bureau du coroner avait aussi ouvert une enquête sur les morts survenues au CHSLD privé Herron, à Dorval. « L’analyse portera donc dans un premier temps sur les faits entourant les décès recensés dans cet établissement. Par la suite, MKamel et son équipe sélectionneront des décès dans plusieurs types de résidences et dans plusieurs régions afin de dresser un portrait représentatif de la situation à l’échelle provinciale », a-t-on expliqué au Bureau du coroner.

« Je tiens responsable le gouvernement »

Lorsque La Presse a annoncé à Joe Cer qu’une enquête était déclenchée, il a éclaté en sanglots. Sa mère est morte au CHSLD Grace Dart, dans Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, de manière « dégueulasse et inhumaine ». « Oui, je veux des actions parce que ce que j’ai vu était un cauchemar. Je suis fâché et je tiens responsable le gouvernement de sa mort. Si vous saviez à quel point j’ai le cœur brisé », a dit celui qui promet de participer à une audience pour raconter la souffrance que sa mère a subie dans les dernières semaines de sa vie, alors qu’elle répétait sans cesse qu’elle voulait « vivre encore un peu ».

Aux yeux de Jean-Pierre Daubois, dont la mère, Anna José Maquet, est morte au CHSLD de Sainte-Dorothée, il est évident qu’il y a eu de la « négligence criminelle » de la part de la direction de cet établissement. « Une des premières choses que j’ai faites lorsque ma mère est décédée a été de contacter le Bureau du coroner pour demander de faire une enquête. On m’a dit qu’il n’en était pas question », affirme M. Daubois, représentant désigné d’une action collective contre ce CHSLD.

« Je suis content que la coroner fasse finalement une enquête et je peux vous dire que je vais y collaborer pleinement. »

— Jean-Pierre Daubois, dont la mère est morte au CHSLD de Sainte-Dorothée

Toujours au CHSLD de Sainte-Dorothée, une infirmière qui a été atteinte de la COVID-19 – et qui a cru qu’elle allait en mourir – ne mâche pas ses mots : « Je n’ai jamais vu des gestionnaires aussi stupides. C’était inhumain, la façon dont nous avons été traités, entre autres en refusant de nous fournir de l’équipement », dit celle qui s’est confiée à La Presse de façon anonyme de peur de subir des représailles. « Sur 33 de mes résidants, il en reste juste 5. C’est inacceptable ! Je les adorais, ces gens-là, et ils sont presque tous décédés ! » Elle est d’avis que cette enquête est « absolument nécessaire ».

Pour l’Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées et préretraitées, l’enquête publique est un pas dans la bonne direction. « Mais on veut des actions, lance son président, Pierre Lynch. Je suis tanné d’entendre dire que les aînés sont importants, mais qu’aucune action ne soit posée pour le démontrer. »

Québec promet sa pleine collaboration

La ministre responsable des Aînés et des Proches aidants, Marguerite Blais, a promis mercredi la pleine collaboration du gouvernement dans l’enquête publique du Bureau du coroner. Elle a également assuré que les recommandations qui seront formulées seraient respectées.

« Quand on fait des recommandations, je les suis. […] Si je suis là, je vais faire tout ce qui est en mon possible pour qu’on puisse mettre en œuvre les recommandations du coroner », a déclaré Mme Blais.

« Il n’y a pas un gouvernement qui veut maltraiter les personnes âgées. Il n’y a pas une personne qui se lève le matin en se disant : “Ce matin, je me lève pour aller maltraiter quelqu’un.” Ce n’est pas le cas. C’est une triste histoire, on a perdu beaucoup de personnes vulnérables au Québec et on ne veut pas répéter l’histoire », a-t-elle ajouté.

Québec n’exclut d’ailleurs pas, comme l’a récemment rapporté La Presse, de tenir parallèlement une commission scientifique et technique afin de faire la lumière sur l’hécatombe dans les CHSLD provoquée par la pandémie de COVID-19.

« Tout est sur la table », a résumé la ministre Blais. Le Protecteur du citoyen a également annoncé en mai dernier qu’il lançait « une enquête impartiale et indépendante à l’égard du ministère de la Santé et des Services sociaux et de certains établissements du réseau public de la santé » pour « faire la lumière sur la réponse du gouvernement et du réseau de la santé à la crise de la COVID-19 dans les milieux de vie collectifs pour aînés ».

Admis comme futurs préposés... puis refusés sans préavis

Après avoir quitté leur emploi, parfois même leur appartement et leur ville, des dizaines de candidats admis à la formation accélérée pour devenir préposés en CHSLD ont eu la mauvaise surprise d’apprendre mercredi qu’ils ne figuraient pas sur les listes du Centre de formation professionnelle Antoine-de-Saint-Exupéry, à Saint-Léonard. Une « erreur de manipulation humaine » est à l’origine du cafouillage, a appris La Presse.

Quand Mélissa Trombetta a reçu un courriel du centre de formation lui annonçant que l’école « était heureuse de l’accueillir », elle a appelé son patron pour lui dire qu’elle quittait son emploi dans la vente de systèmes d’alarme d’incendie. Le message de l’école professionnelle, confirmé par un autre envoyé dimanche, lui soulignait qu’on l’appellerait pour lui confirmer quel jour – le lundi, mardi ou mercredi – elle commencerait les classes.

Mercredi, la femme de 35 ans a reçu un courriel qui l’a dévastée : « Vous n’êtes pas inscrite dans une de nos cohortes. »

« Je me retrouve sans emploi. Ça faisait 10 ans que j’avais ce poste. J’avais quatre semaines de vacances. J’avais un bon salaire. Là, j’ai perdu mon ancienneté et je ne sais même pas si je peux aller chercher du chômage, puisque j’ai démissionné », se désole-t-elle.

Serge Junior Soucy-Burelle a aussi reçu la confirmation de son admission au centre de formation. Son dossier en ligne indique toujours qu’il doit commencer les cours le 15 juin dans le groupe SSAS001.

« J’ai appelé l’école chaque jour depuis samedi. On ne pouvait pas me donner d’information, mais on me disait que mon dossier était complet et qu’il n’y avait pas de problème, que quelqu’un m’appellerait pour me confirmer l’heure et la date de ma rentrée. »

— Serge Junior Soucy-Burelle

Le père de famille monoparentale se retrouve sans revenus, puisqu’il a quitté un emploi d’assistant technique dans une pharmacie, samedi dernier. Son poste a été attribué à une autre personne.

Même refrain pour Vincent, qui, lui, a cédé son bail à Calgary, a trouvé un déménageur pour ses meubles et s’est amené à Montréal dès qu’il a eu la confirmation de son admission, jeudi dernier, par le CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal.

« J’avais envie de contribuer. Je sais qu’avec la COVID-19, ce n’est pas tout le monde qui a envie de faire ce genre de travail. C’est juste désolant qu’ils nous aient dit qu’on était admis alors qu’on ne l’était pas », affirme le jeune homme, qui a souhaité que son nom de famille ne soit pas publié.

La direction du Centre de formation professionnelle (CFP) Antoine-de-Saint-Exupéry a confirmé à La Presse qu’il s’agissait malheureusement d’une « erreur de manipulation humaine » des listes de candidats. Le centre a eu l’autorisation de démarrer quatre nouvelles cohortes de 22 élèves dès le 6 juillet pour régler cet imbroglio.

« J’en suis désolé »

Le directeur du CFP Antoine-de-Saint-Exupéry, François Lemire, a confirmé qu’il était l’auteur de « l’erreur de manipulation » bien malgré lui.

« J’en suis désolé », a-t-il exprimé à La Presse. L’erreur s’est produite lorsqu’il a reçu une première liste de quelque 380 candidats – fournie par le CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal – qui avaient terminé avec succès le processus de recrutement.

« J’ai extrait ces noms-là et j’ai généré 380 courriels pour dire à ces gens-là que tout était beau », a indiqué M. Lemire. « Sauf que je n’ai pas donné cette liste à mes gens, qui ont continué d’admettre [des élèves]. La personne qui créait les groupes, je ne lui ai pas donné la liste. […] C’est vraiment de ma faute. Donc, elle n’a pas pu s’assurer que ces 380 personnes soient prises », a-t-il ajouté.

Il estime qu’environ 70 candidats sont en quelque sorte « tombés entre deux chaises » en recevant un courriel confirmant leur admission sans se retrouver sur la liste des élèves. Nombre d’entre eux ont d’ailleurs manifesté leur mécontentement sur la page Facebook de l’établissement. « Les gens qui ont été oubliés, ils sont appelés actuellement », a assuré M. Lemire.

Le CFP Antoine-de-Saint-Exupéry a reçu plus de 2000 candidatures pour ses 396 places. Le CFP a effectué un premier triage. Une banque de candidats a été envoyée au CIUSSS afin de vérifier leurs antécédents criminels et de les convoquer en entrevue vidéo. Une fois le processus terminé, les candidatures retenues ont été renvoyées aux établissements de formation.

Le centre de formation doit compléter l’admission. « Les systèmes [informatiques] ne se parlent pas », a souligné M. Lemire. « On devait comparer leur liste avec nos listes […]. Ça prenait une vérification manuelle pour chaque candidat », dit-il, faisant état d’un processus somme toute complexe, réalisé en moins de deux semaines.

Le premier ministre François Legault a commandé le déploiement d’une formation accélérée de 375 heures pour pourvoir 10 000 postes de préposés dans les CHSLD, durement éprouvés par la pandémie de COVID-19. Plus de 100 000 demandes d’admission ont été soumises en ligne en cinq jours seulement.

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